Action de formation en prévention

3è article issu du travail des étudiants de @CNAM-IHIE Angers, merci à eux cités en signature de l’article.

Le préventeur en santé sécurité a pour mission l’animation de la démarche de prévention au sein de l’entreprise, l’amélioration des conditions de travail, l’évaluation des risques professionnels. Il est un acteur important de la politique de Santé Sécurité de son entreprise. La fonction peut également prendre le titre « d’animateur sécurité » formation

A ce titre, il est possible de se demander : le préventeur doit-il être un formateur ? Par ailleurs, quels sont les atouts et apports de la formation et de l’information dans le domaine de la santé sécurité ?

Contexte

Les entreprises se tournent aujourd’hui plus qu’il y a 10 ans vers des démarches participatives de prévention des risques professionnels. Ce choix se fait, soit dans un souci de conformité réglementaire, soit dans un souci d’économies de coûts -At & MP -. Pour les plus vertueuses, cette démarche est plus large et vise à l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail (cf https://blog.griphe-conseil.fr/2022/09/qualite-de-vie-au-travail-qvt-et-sante-securite/)
Par ailleurs, certaines certifications (ISO, MASE…) demandent la construction d’une politique Hygiène Sécurité Environnement (HSE) ainsi que la participation effective des salariés dans la démarche.

La prévention des risques professionnels est un des piliers dans la construction d’une culture de sécurité/prévention. En effet, intégrer le salariés dans cette démarche permet déjà de les sensibiliser.

L’identification des dangers puis l’évaluation des risques réalisées de manière participative permettent déjà de sensibiliser les salariés sur les risques. Cette approche aide à transmettre les messages et échanger sur les mesures de prévention et de protection adaptées aux situations à risques rencontrées.

La participation active à une évaluation des risques peut être complétée par des actions de formation et/ou d’information. Les salariés ainsi (in)formés deviennent plus conscients des risques et peuvent devenir acteurs de leur propre sécurité. C’est aussi le moyen de transmettre aux équipes des connaissances et des compétences pour mieux identifier les risques et améliorer la mise en œuvre de mesures de préventions adaptées à leurs postes de travail.

Attention cependant de ne pas confondre ces trois notions :

  • La formation : il s’agit d’acquérir des compétences qui pourront être utilisées. D’après l’organisme de formation Demos [1] on peut aussi définir la formation comme : « l’action d’un formateur s’exerçant sur une ou plusieurs personnes en vue de les adapter techniquement, physiquement et psychologiquement à leurs futures fonctions. »
  • La sensibilisation : c’est l’action de rendre une personne réceptive à un sujet.
  • L’information : il s’agit de communiquer, transmettre un message.

Dans le monde du travail et plus précisément dans la santé sécurité, il existe plusieurs types de formations. Nous retrouvons principalement [2] :

  • Des formations réglementaires comme les accueils sécurité dispensés durant le premier jour du nouvel arrivant où seront abordés les risques liés à la santé, sécurité et environnement; les formations aux postes, utilisation d’engins spécifiques, …
  • Formations spécifiques où seront évoqués des risques spécifiques comme le milieu confiné, la consignation, le travail en hauteur…
  • Formations recommandées par les comités techniques nationaux (CTN) par branche d’activités [3]

Enjeux

Les enjeux des formations sont multiples :

  • Former les salariés permet d’améliorer la connaissance des risques auxquels ils sont exposés (le vœu pieux étant de diminuer les accidents/ incidents et les maladies professionnelles).
  • Cela permet également aux équipes (normalement) d’être plus attentives aux risques pris par d’autres (et donc d’interagir),
  • La formation permet également de s’exercer et savoir réagir dans les situations d’urgence (de tout type).
  • A travers une formation, on peut également avoir pour objectif la responsabilisation des stagiaires et ainsi chercher à ce qu’ils soient de véritables acteurs de la prévention pour construire une culture de prévention.
  • Tout ceci peut avoir pour conséquence un impact positif sur les coûts liés aux accidents du travail (cotisations, remplacements,…) qui devraient diminuer.

Une action de formation doit avoir aussi des objectifs plus larges : -maintien / développement des compétences, employabilité, impact positif pour le salarié et l’entreprise, … L’un des points rarement bien mis en œuvre est l’évaluation par le manager des acquis, la prise en compte de ces nouvelles notions et donc l’impact véritable des actions de formation dans le travail quotidien de la personne formée.

Réglementation

L’article L4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre “les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.”[4] Pour cela il doit entre autres réaliser “des actions d’information et de formation” à destination des travailleurs. C’est notamment le neuvième Principe Général de Prévention (PGP) comme détaillé dans l’article L4121-2 du Code du travail : “Donner les instructions appropriées aux salariés”. Cela signifie « former et informer les salariés afin qu’ils connaissent les risques et les mesures de prévention.”

Certaines formations sont obligatoires : une formation concernant la sécurité doit être dispensée aux nouveaux arrivants qu’ils soient salariés ou intérimaires, en cas de changement de poste de travail, mais aussi en cas de reprise d’activité après accord de la médecine du travail. [5]

L’article R4141-3 du Code du travail présente la formation générale à la sécurité. Il s’agit d’une formation axée sur la circulation sur le lieu de travail, la réalisation du travail et les mesures à prendre en cas d’urgence. Tous les salariés doivent suivre cette formation, mais ceux exécutant un travail plus risqué doivent suivre également des formations complémentaires.

Il existe d’autres réglementations spécifiques à certaines entreprises selon la nature de leurs activités, les entreprises dites Seveso par exemple, où leurs activités sont susceptibles de causer des dommages importants en cas d’accident .

Par ailleurs, certains équipements (obtention de certificat à la conduite en sécurité) et les matières premières peuvent également conduire à des formations particulières en matière de sécurité et de santé. La conduite d’engins / de PL peuvent requérir des diplômes/certificats spécifiques, dont la formation initiale minimale obligatoire et la formation continue obligatoire FIMO et FCO. [6]

Également, l’article L.6312-1 et 2 parle de l’action de formation en situation de travail (AFEST) . Cette action mobilise un formateur interne ou externe à l’entreprise ainsi qu’un salarié à former sur le lieu du travail et en cours d’activité. Ce type de formation permet d’être sur le terrain où le salarié évolue tous les jours et donc de se projeter plus facilement. Cette approche très adaptée aux développements des connaissances et compétences sur le terrain nécessite toutefois une approche rigoureuse et laisse place à une partie d’analyse réflexive (ce n’est pas une l’action de formation la plus simple qui soit!).

Méthodologie / démarche

Dans le but de transmettre des savoirs et savoir-faire à l’apprenant, il faut que celui-ci soit acteur de ses apprentissages. Les formations se doivent donc d’être interactives, dynamiques et participatives.

N.B. : il s’agit ici d’un parti pris des étudiants qui ont axé leur argumentaire sur des actions de formation à la sécurité pour des acteurs de terrain.

De plus, le niveau d’explication, les exemples et cas concrets doivent être les plus proches possible de la réalité du public auquel s’adresse la formation afin de les impliquer au mieux dans celle-ci.
Cette dernière doit être accompagnée par une attestation de suivi et peut faire l’objet d’un contrôle des connaissances afin de vérifier leur acquisition par l’apprenant.

Il peut être intéressant de réaliser 3 niveaux d’évaluation afin de s’assurer de la compréhension de la formation et pour garantir une “bonne” formation:

  1. L’évaluation diagnostique : Elle a pour but d’orienter la formation sur les informations à apporter, de détecter les difficultés ou incompréhensions, et de situer la connaissance sur le sujet de la formation. En quelques mots c’est évaluer les prérequis et les acquis pour ajuster le contenu de la formation au profil de l’entreprise, des participants et de la demande.
  2. L’évaluation formative : Elle a pour but d’évaluer, de repérer les progrès et d’identifier les points forts et axes d’amélioration.
  3. L’évaluation sommative : Elle permet de vérifier si la formation a permis d’atteindre les objectifs et mesurer sa pertinence.

Il est nécessaire pour le préventeur d’être en interaction avec les collaborateurs lors de formation ou de transmission d’information, par exemple en faisant des formations sous forme de jeu comme un “jeu de plateau” pour sensibiliser les collaborateurs à la culture sécurité [8]. Cela permet aux collaborateurs d’assimiler les informations en posant des questions supplémentaires ou en partageant des situations qu’ils ont pu rencontrer sur le terrain.

Le préventeur est donc formateur de savoir mais aussi vecteur d’informations envers les salariés et inversement, les collaborateurs peuvent remonter des informations sur des sujets que le préventeur, HYTEN, ne maîtrise pas forcément. Le préventeur doit prendre en compte les facteurs techniques, organisationnels et humains lors des formations ce qui permet d’améliorer le comportement et la performance en matière de sécurité.

Le e-learning est un type de formation en ligne et à distance qui utilise Internet et les nouvelles technologies digitales, dans le but d’améliorer les processus d’apprentissage. Ces formations sont ouvertes à tous, salariés, managers et indépendants.


On peut noter que les formations en E-learning utilisées par certaines entreprises, permettent d’évaluer les risques sur différents sujets, néanmoins il y a quelques limites :

  • Toutes les formations ne peuvent pas être faites en E-learning car il nous semble manquer une partie « pratique« . Les interactions entre formateur/ préventeur et le collaborateur sont absentes
  • Manque de concret. Les formations en E-learning sont souvent générales et manquent de cas concrets surtout en ce qui concerne la réalité du terrain du collaborateur.

Les formations E-learning peuvent être utilisées pour des sujets généraux tels que le risque chimique de manière générale en entreprise ou encore le port des EPI. Elles peuvent être aussi un bon moyen de former les managers et les dirigeants pour un gain de temps et une vision plus générale des sujets dans la sensibilisation ou dans la prévention des risques.

Retour d’expérience

Au sein d’une entreprise de manufacture internationale basée en France, le préventeur a un rôle de formateur comme le démontre l’accueil sécurité, nommé « Safety Dojo« . Cette action de formation est réalisé chaque lundi durant 1h30 pour l’ensemble des nouveaux arrivants. Cela a pour but de prévenir les salariés des risques et des mesures de prévention mises en place au sein de l’entreprise .

Cet accueil est une sensibilisation et présente différentes thématiques :

● La présentation du service et les différents outils de communication entre le service SSE et les autres services de l’entreprise.
● Les risques présents sur le site avec différents focus :
○ Le risque piéton – chariot, avec la présentation d’un film sur la vision d’un cariste dans son chariot élévateur réalisé par l’entreprise.
○ Le risque lié à la manutention manuelle.
○ Le risque machine et la consignation avec la présentation d’un film choc sur cette thématique.
● Le risque d’incendie et ATEX.
● Le risque chimique à travers un jeu où les nouveaux arrivants doivent trouver à quel pictogramme de danger la définition appartient-elle.
● La santé, via des discussions de la problématique des accidents de travail, des accidents de trajet, des maladies professionnelles, par la suite un point sur l’ergonomie est réalisé.
● L’environnement sur l’importance du tri des déchets et le cycle de vie du chariot élévateur.

Cette formation permet au préventeur de faire passer un message fort sur la Santé, la Sécurité et sur l’Environnement aux différentes personnes arrivant sur le site. Cela permet de les sensibiliser pour le travail, mais également pour la vie de tous les jours. La réalisation de cet accueil sous cette forme permet également d’avoir des échanges dynamiques entre le préventeur et les salariés sur leur vécu.

Une action hebdomadaire de ce type est positive pour les nouveaux arrivants. Pour autant, peut-on réellement parler d’action de formation ? en 90minutes, l’éventail des sujets est trop large et les potentiels objectifs trop nombreux pour en faire une action de formation. Je pense que l’on parle plutôt d’un premier vernis de type sensibilisation. un indicateur à regarder de près, mais sauf erreur de ma part, je n’ai jamais vu une formation à l’accueil de cette durée être gérée avec un déroulé pédagogique et des objectifs en phase avec la durée et le contenu… A méditer

Conclusion

En reprenant la problématique de départ qui était “le préventeur a t-il un rôle de formateur ?”, il est possible d’y répondre de manière positive, néanmoins le rôle de formateur a une certaine limite.

En effet, les formations et les actions d’information liées à la sécurité et à la santé des salariés sont des parties intégrantes de la démarche de prévention des risques. Ces actions complémentaires (formation et information) concernent l’ensemble des salariés y compris les nouveaux embauchés, intérimaires, les personnes intervenant occasionnellement ou encore les responsables de service qui doivent être intégrés dans la démarche HSE de l’entreprise. Une démarche de prévention, menée par le préventeur, exige également que tous les salariés soient informés des mesures prises mais aussi que l’employeur soit mis au courant des risques encourus par les salariés sur le terrain. Le préventeur est donc le pilier de la formation et de l’information que ce soit pour les salariés, les intérimaires ou pour l’employeur.

Il est important pour le préventeur de former les collaborateurs avec des supports de formations ludiques, dynamiques, et captivants ce qui permet d’enregistrer plus facilement et de marquer les esprits. l’exemple du Safety Dojo permet d’avoir cette interaction entre le formateur et les apprenants en plus d’être dynamique et participatives. Les sujets abordés sont des cas réels ce qui rend l’exercice plus intéressant et plus impactant.

Pour finir, le rôle de formateur chez le préventeur a quelques limites. En effet, le préventeur peut prétendre au rôle de formateur sur certaines formations uniquement s’ il détient lui-même les compétences, validées avec une attestation par un organisme. Dans le cas inverse, il ne pourra pas former ses collaborateurs, il pourra, par exemple, faire appel à un organisme extérieur ou un autre
collaborateur ayant la formation et qui sera apte à former ses collègues. Pour que les collaborateurs aient une formation efficace, le préventeur doit évaluer pour s’assurer de la compréhension des informations et de la capacité des collaborateurs, bénéficiant la formation, à appliquer les compétences dans l’entreprise. Par ailleurs, le rôle de préventeur doit s’apprendre afin de pouvoir capter l’attention de tous et ainsi passer les messages voulus.

J’ajouterai un point important que l’on oublie souvent : former est un métier ! A l’instar des enseignants, de formateurs indépendants, …une action de formation est l’aboutissement d’une démarche d’ingénierie pédagogique et d’ingénierie de formation pour lesquels le « bon » formateur est celui/celle qui sait, avant de vouloir transmettre, apprendre, écouter, reformuler et s’adapter.

Merci à Wafa BENCHRIF, Elisa EUSTACHE, Camille RAVON, Barbara ROSALIE

Jerome

Sources :

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