Les usages de l’intelligence artificielle (IA) et du big data en prévention

big data

La prévention des risques professionnels est en constante évolution. Les organisations n’ont de cesse de chercher de nouvelles méthodes de maîtrise du risque efficaces et pratiques. Les avancées du numérique peuvent permettre de répondre à certains de ces besoins, notamment via les intelligences artificielles (IA) et le big data.

Que sont les IA et le big data ?

Pour les IA, Marvin Lee Minsky, un des créateurs du terme, donne la définition suivante : « [l’intelligence artificielle correspond à] la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique »

Les IA ont des applications très variées et sont déjà présentes dans de nombreux appareils et logiciels que l’on utilise au quotidien (assistants virtuels, appareils photos des téléphones, traduction automatique, reconnaissance faciale, digitale ou vocale, traitement de l’image, etc.).

Le big data (officiellement « mégadonnées » ou « données massives » en français) correspond à des « données […] dont le très grand volume requiert des outils d’analyse adaptés ». En général, ces outils sont des programmes, qui permettent d’analyser et de croiser ces très grands volumes de données, afin d’en tirer des informations et des statistiques variés.

Les applications sont nombreuses : analyses prédictives, tendancielles et prospectives dans des domaines divers comme la gestion des risques (industriels, naturels, etc.), l’environnement, la médecine (épidémiologie, neurologie, génétique, etc.), la météorologie, le changement climatique, la sécurité (comme la lutte contre la criminalité), la politique, le commerce, etc.

Applications dans les entreprises

L’utilisation de l’IA dans les entreprises est devenue de plus en plus fréquente et de plus en plus sophistiquée. Avec sa capacité d’apprentissage, l’IA trouve sa place dans plusieurs activités d’entreprise, de la chaîne de production (le contrôle qualité, dans la prédiction de défaillances, la détection de défauts, la maintenance prédictive, l’anticipation de pannes, la robotique), à la relation client (interfaces conversationnels (chatbot)), en passant par la logistique, la recherche, ou encore les ressources humaines (processus de recrutement, filtrer les CV, guider vers les meilleurs choix de
candidatures).

Les machines et robots collaboratifs participent à l’amélioration des conditions de travail en apportant une assistance physique et en allégeant la charge mentale dans les ambiances de charge physique importante ou répétitive. Leur présence au sein des entreprises est croissante dans l’industrie, la logistique. Une forte demande émerge également de nombreux secteurs à besoins spécifiques comme ceux de la santé, de l’agriculture ou encore du commerce.

Applications à la gestion des risques

L’IA et le big data peuvent aussi être utilisés par les entreprises et autres organisations pour la gestion des risques. Que ce soit pour les risques professionnels (santé et sécurité au travail) ou environnementaux et les risques externes à l’entreprise (crises diverses (sanitaire, géopolitique, etc.) voire des catastrophes environnementales, par exemple).

Applications en prévention des risques professionnels

En prévention des risques professionnels, différentes utilisations de ces outils sont possibles : détection de situations à risque, détection de risque de collision sur les véhicules, détection du non-respect de consignes de sécurité, détection de risques d’incendie, etc.

Solution Eye’R

Eyes’R est une société dont le projet est de faire assister le préventeur par un assistant numérique qui combine une IA au système de caméra de l’entreprise.

L’IA se sert du réseau de caméras pour détecter des situations à risque ou des anomalies qui pourraient mener à un accident, comme le non-port des EPI, un mauvais empilage de cartons, un piéton dans une zone inadéquate, la présence d’un objet sur une allée piétonne, etc.

Ces données sont analysées par un moteur de notification qui va les comparer à des modèles statistiques afin de donner l’information la plus pertinente possible. L’information peut ensuite être distribuée directement à l’opérateur concerné via un système d’alerte, à son responsable ou à l’équipe prévention via un SMS, un courriel ou une alerte visuelle et/ou sonore.

Cette solution a pour avantage de donner la capacité de réagir en temps réel et préventivement (une sorte de dernier filet de sécurité quand certaines consignes n’ont pas pu être respectées). Un autre avantage est de pouvoir réaliser des analyses statistiques à partir des données. Ces analyses permettront ensuite au préventeur d’adapter ses actions en fonction des priorités.

Cela dit, la solution Eyes’R, est à utiliser avec précaution. Notamment car les salariés peuvent accepter difficilement la surveillance et l’analyse induites.

Il est important, comme pour la plupart des outils nouveaux, d’accompagner le changement pour éviter des sources de tensions potentielles.

Risques non spécifiques à l’entreprise

Aussi, il faut rappeler que la prévention ne se limite pas uniquement aux risques liés au travail en entreprise, mais également aux crises et aux catastrophes pouvant toucher les populations de différents territoires, où même dans certains cas, les populations du monde entier. Afin d’en limiter au mieux les conséquences, il nous faudrait être capable de détecter les signaux faibles qui peuvent mener à leur déclenchement. Il se trouve que nous pourrions avoir trouvé un moyen d’y parvenir grâce aux IA et au big data.

Dans les domaines pour lesquels leur utilisation s’avérerait efficace, ces outils permettront d’anticiper les crises sanitaires et les catastrophes ainsi que leur effets et gravité potentielle avant même qu’elles ne surviennent. Cela signifierait une meilleure prise en charge en amont via le déploiement de plans d’actions adaptés et donc une résilience bien plus importante de nos sociétés.

On peut aussi penser que le risque est une perte d’expertise humaine voire une diminution de notre capacité à nous adapter voire à agir par une dépendance accrue aux technologies.

Prévention de la survenue d’une crise sanitaire

Pour anticiper les crises sanitaires, les usages de l’IA et/ou du big data sont des supports prometteurs. La start-up canadienne Blue Dot a développé un outil capable d’anticiper les crises sanitaires, notamment les épidémies.

Elle fait d’ailleurs partie des premières entreprises à avoir lancé l’alerte sur le risque d’épidémie lié à l’apparition du coronavirus SARS-COv-2, responsable de la COVID-19. L’algorithme de Blue Dot s’appuie principalement sur les données des articles de presse et les données du trafic aérien. Il passe en revue des centaines de milliers d’articles qui paraissent chaque jour, en les croisant en temps réel avec les déplacements aériens à l’échelle mondiale. Ces données sont interprétées, analysées, et envoyées dans les agences gouvernementales, les hôpitaux… Ce qui contribue à
accélérer la réponse apportée à un problème de santé publique.

Ces outils (big data et IA) sont également utiles pour prévenir et mieux anticiper les maladies grâce au stockage des données des patients et à l’analyse et l’interprétation de ces données. L’imagerie médicale a développé le robot Watson, utilisé aujourd’hui dans certains centres de santés nord américains. Ce robot est précieux pour les médecins car il permet de traiter plusieurs données de manières rapide et efficace pour apporter un diagnostic rapide. Watson a également la capacité d’analyser les informations des patients (formulaires d’admissions, à l’hôpital, information sur le test COVID-19, réponses aux questions des médecins, l’historique des patients) et proposer si possible des examens complémentaires.

L’usage de l’IA et du big data en cas de catastrophe

Il est important de rappeler que l’humanité, dans son histoire, a de nombreuses fois fait face à des catastrophes. Celles-ci peuvent être regroupées en deux grandes classes, tout d’abord les catastrophes d’origine naturelle (inondation, séisme, ouragan, etc.) dont la fréquence et l’intensité ne font qu’augmenter à cause du dérèglement climatique. Les autres sont les catastrophes d’origine humaine, qui ont fait leur apparition avec la mondialisation et l’industrialisation de nos sociétés. L’anticipation de ces catastrophes nécessite de prendre en compte de très nombreux facteurs de risques, trop nombreux pour permettre à n’importe quel humain d’établir des prévisions précises. C’est ce à quoi les logiciels et applications fondés sur l’IA pourraient pallier grâce à une capacité de traitement de données déjà très importante et toujours croissante. L’IA apparaît ainsi comme un outil puissant, permettant à ses utilisateurs d’apporter des réponses plus efficientes en cas de catastrophes.

Un exemple pertinent est l’utilisation de l’algorithme « Earthquake Transformer » pour la prévention des séismes, basé sur le principe de deep learning. Plus d’un million de données de sismographes récoltées sur 20 ans lui ont été soumises. L’expérience et les connaissances que l’IA en a retiré lui permettent d’analyser et d’interpréter d’autres données de sismographes avec une rapidité jamais égalée par l’homme tout en utilisant moins de moyens techniques.

De nombreuses autres initiatives existent autant pour l’anticipation des catastrophes que de leurs conséquences. Parmi celles-ci on peut citer : anticipation des inondations aux États-Unis via un algorithme développé par Google, anticipation des accidents nucléaires d’origine météorologique, anticipation des famines, anticipation des manques d’eau sur un territoire ou un pays donné, etc.

Dérives et défis par rapport à l’utilisation des IA et de la big data

En entreprise

Ces nouveaux outils peuvent avoir des points négatifs et amener de nouveaux risques. L’outil Eyes’R (par exemple) peut être source de stress pour les salariés, par la surveillance ressentie. Aussi, ces outils peuvent apporter des risques sur la vie privée et la confidentialité et peuvent permettre des fuites de données sensibles, en cas de mauvaise sécurité informatique.

Leur utilisation en entreprise nécessite de former les salariés qui sont amenés à interagir avec. Notamment concernant l’utilisation mais aussi pour que chacun puisse comprendre l’intérêt et le fonctionnement de ces outils.

La place du préventeur

Pour le préventeur, ces outils peuvent représenter une dépendance, surtout une fois qu’ils sont bien en place. Quand il y a une panne, le préventeur pourrait se retrouver démuni, d’où l’importance d’avoir des solutions alternatives. Également, ces outils pourraient à terme remplacer certaines missions du préventeur. Certaines entreprises pourraient donc être tentées de ne pas embaucher de préventeur.

C’est sans doute également une opportunité pour le préventeur que de pouvoir se centrer sur d’autres activités !

Le biais de sélection des données

Une autre dérive possible est liée aux données d’entrée qui constituent les connaissances de base de l’IA. Si l’échantillon de données n’est pas représentatif de la réalité sur laquelle on souhaite instruire l’IA, son interprétation sera biaisée. Cela est d’autant plus vrai pour les IA fortes qui fonctionnent sur le principe de deep learning. En effet, elles ne vont pas simplement se contenter d’analyser les données, mais vont se construire une « intelligence » à partir de données. Si ces données sont biaisées, les dérives sont alors très importantes (des exemples passés existent sur des biais de couleur de peau, de sexe, ...).

Conclusion

Les systèmes d’aide à la décision de l’intelligence artificielle peuvent contribuer à améliorer les conditions de travail, la sécurité industrielle et la gestion des situations d’urgence. Les intégrer au domaine HSE présente des intérêts comme la capacité à réagir en temps réel notamment lors de situations de crise en réduisant les incertitudes décisionnelles. On peut comprendre aussi que les risques sanitaires seront au cœur des applications de l’IA, capable d’assimiler des volumes importants de données brutes (big data) afin de pouvoir anticiper des événements.


Amenés à évoluer vers une certaine autonomie, ces systèmes automatisés nous questionnent sur le respect de la vie privée et des principes éthiques derrière la validité des choix proposés, des prises de décisions et aussi de leur responsabilité en cas d’erreur ou de défaillance. Il convient alors à l’avenir de veiller à adapter ces nouveaux outils aux demandes et besoins de l’Homme au travail.

Jerome.

Merci à l’équipe des éudiants de l’IHIE : Jisay Bacquois, Raphaël Favereau, Henri Lefebvre et Victor Pouliquen

Sources :

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