Plan gouvernemental AT graves et mortels

le gouvernement a lancé, en 2022, un grand plan visant à sensibiliser et agir sur les AT graves et mortels. Ce plan vient d’être mis à jour par communiqué le 29 avril dernier avec 11 mesures phares ajoutées au plan initial :

  1. « Mieux informer et outiller le réseau académique professionnel et les personnels en établissement sur les enjeux de la santé et sécurité au travail des jeunes en formation professionnelle ; »Mieux informer et outiller le réseau académique professionnel et les personnels en établissement sur les enjeux de la santé et sécurité au travail des jeunes en formation professionnelle ;
  2. Développer les interventions du système d’inspection du travail sur la santé et sécurité au travail auprès des jeunes en formation professionnelle ;
  3. Renforcer la mobilisation de la branche de l’intérim en faveur de la santé et de la sécurité des travailleurs intérimaires ;
  4. Mieux mobiliser les services de prévention et de santé au travail et les services de santé au travail agricoles dans l’accompagnement des entreprises pour la réalisation et l’actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ;
  5. Approfondir la connaissance sur les malaises au travail pour mieux les prévenir ;
  6. Améliorer la connaissance des conséquences des vagues de chaleur sur la santé des travailleurs ;
  7. Renforcer la prévention des risques liés aux vagues de chaleur ;
  8. Poursuivre l’accompagnement des entreprises dans la prise en compte des risques liés aux vagues de chaleur ;
  9. Déterminer des indicateurs communs sur la sinistralité au travail pour mieux communiquer sur les chiffres des accidents du travail graves et mortels ;
  10. Mieux outiller le système d’inspection du travail en matière d’information des victimes d’accidents du travail graves et mortels et de leur famille ;
  11. Mieux informer sur les démarches à entreprendre en cas d’accident du travail, notamment mortel, et sur les dispositifs d’accompagnement des victimes, de leur famille et du collectif de travail. »
https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/plans-gouvernementaux-sante-au-travail/article/plan-pour-la-prevention-des-accidents-du-travail-graves-et-mortels
https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/plans-gouvernementaux-sante-au-travail/article/plan-pour-la-prevention-des-accidents-du-travail-graves-et-mortels

Se comparer entre pays sur le nombre d’accidents mortels

Lors du dévoilement de ce plan, de nombreuses personnes se sont offusquées du nombre de décès que nous avions encore en France « par le fait ou à l’occasion du travail ».

Il est important que, dans les mesures ajoutées, la mesure 5 concerne les « malaises au travail ». Aujourd’hui, la lecture des statistiques de la CNAM TS met en avant que près de 60% des AT mortels sont « classés » comme malaises. Ce chiffre doit autant nous interpeler que nous faire relativiser le chiffre global.

  • La santé, autant que la sécurité a sa place dans la prévention des risques professionnels et cela, de puis de nombreuses années (au-delà des malaises, les M.P. en sont le témoignage depuis 30 ans)
  • Les risques « industriels » ne sont pas ceux qui génèrent le plus d’accidents mortels (25% des événements mortels)
  • La route reste un gros pourvoyeur d’événements mortels (missions et trajets).

De nombreuses personnes, peu qualifiées par ailleurs, se sont dressés face à l’inacceptable en comparaison à nos voisins européens sur notre morbidité au travail. Ces mêmes personnes ne connaissent pas la situation réelle. Nos systèmes de reconnaissances AT-MP ne sont en rien comparables au sein de l’UE. Un élément est certain, tout accident mortel est un accident inacceptable.

Si cela peut paraitre surprenant, je vous invite à prendre connaissance des études publiées sur @Eurogip.

https://eurogip.fr/publication/

Voir et reconnaitre les événements non souhaités

La mesure 9 « Déterminer des indicateurs communs sur la sinistralité au travail pour mieux communiquer sur les chiffres des accidents du travail graves et mortels » est surprenante quoi que nécessaire.

Les Tf, Tg, indices, Taux divers d’inspiration anglo-saxonne, …., ne sont pas les bons indicateurs dès lors que l’on négocie encore sur l’accident.

Accepter l’événement, c’est accepter la réalité du travail, c’est accepter de prendre le temps d’analyser les défauts de son organisation, c’est accepter de voir le travail tel qu’il est (travail réel et travail ressenti). L’indicateur est donc un bon moyen de comparaison si les politiques et l’acceptation de l’événement non souhaité est la même partout.

L’accident grave n’arrive pas « par hasard ». Les alertes, plus ou moins, faibles sont présentes mais faut-il les identifier et en avoir connaissance? Le climat de transparence et de confiance est primordial.

Qu’est ce qu’un accident grave ?

La question peut surprendre mais où se trouve cette définition ? Quelle appréciation puis-je et dois-je avoir en tant que préventeur, de dirigeant sur la « gravité » d’un accident ?

Chacun se forge ainsi malheureusement son expérience face à un accident grave. Si les groupes, voire les ETI s’organisent et définissent des règles, ce n’est pas le cas de la majorité des entreprises.

On peut trouver dans cette définition (repris de plusieurs exemples d’entreprises) quelque peu morbide des éléments comme (à titre indicatif):

  • une amputation de quelque nature qu’elle soit
  • les brûlures à partir du 2nd degré
  • une perte de connaissance suite à choc, chute,…
  • une chute de hauteur
  • l’électrisation,
  • une coupure nécessitant des points de suture, …
  • une fracture majeure (qu’est ce que majeure?)

Si ces éléments peuvent parler au plus grand nombre, le chef d’établissement en dehors d’un Groupe ou d’une ETI n’aura que rarement le réflexe d’appeler la DREETS ou son SPST pour informer de l’événement. A vrai dire, souvent, la seule différence avec l’accident non-grave reste l’intérêt de l’inspection du travail qui déclenche une analyse ou une visite, soit suite au constat de gendarmerie, soit suite aux termes inscrits sur la DAT. Le chef d’établissement pouvant être surpris de demande sur un événement qui ne lui semble pas majeur.

Transparence et confiance à tous les « étages »

Les accidents graves ne sont qu’une infime partie des événements non souhaités. Certes déplorables par leur gravité, ils sont très peu différents dans leur survenue de la très grande majorité des accidents du travail. La différence entre gravité ou non se situe sur les pans du temps, des choix/contraintes et de l’espace essentiellement.

Vous savez que je suis contre le « zéro accident à tout prix » qui amène régulièrement des dérives dans les pratiques terrain.

Sans une approche formalisée de la prévention basée sur un état des lieux global, toute action qu’elle soit Humaine, Technique ou Organisationnelle ne saurait se placer dans une vision lisible pour le manager. Aussi, il faut savoir accepter, en qualité de dirigeant, les analyses faites dans les cas d’audits, d’accidents, … autant que les salariés doivent le faire pour avancer dans un même sens. Les dérives quotidiennes, les matériels, la formation, les choix individuels, l’absence de prise de décision d’un manager, …, sont des facteurs parmi d’autres qui préparent l’accident. Il faut également accepter, côté salariés de ne pas courir à tout prix après les primes au « zéro accident » en tolérant de cacher certains faits pour atteindre l’objectif.

Conclusion

L’engagement contre les accidents graves et mortels est une couche supplémentaire du mille-feuilles bien que très positif sur le fond. L’enjeu de la prévention se fait sur le terrain autant que dans les COMEX, mais il se transforme au contact des acteurs et non dans des guides. Je rencontre trop de préventeurs orientés par les directions, les clients, la réglementation à passer la majeure partie de leur temps dans leur bureau.

La prévention des risques professionnels est peu enseignée ou de manière trop académique dans les écoles en tout genre (lorsqu’elle est enseignée !).

La prévention des risques professionnels est absente dans les formations de création d’entreprise. Trop souvent le seul contact est le comptable et/ou un avocat qui dresse un portrait exclusivement règlementaire et contraignant.

Oui communiquer et s’engager contre les accidents graves et mortels est très positif. Nous sommes néanmoins sur la partie émergée des événements corporels et les réduire ne se décrète pas. Cela passe nécessairement par des étapes plus longues et sans doute contraignantes voire de réorganisation de nos choix de prévention et des services actuels de prévention( intra et extra entreprise)

Jérôme

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