Bonjour,
A la faveur d’échanges récents, je constate que les pyramides des accidents ont de nombreux adeptes et peu de détracteurs.
Pour mémo, la plus récente date du milieu des années 1970 et la plus ancienne aura bientôt un siècle.
Nombreux sont les organismes de formation-accompagnement qui optent pour l’une de ces pyramides comme donnée d’entrée en justifiant de la nécessité de s’attaquer à leur base pour diminuer les événements les plus graves. Les comportements et attitudes déviantes des opérateurs de première ligne sont mis en avant et les correctifs de comportements souhaités.
De mon point de vue, la pyramide des accidents pourrait être mise en parallèle avec une structure d’entreprise sur plusieurs points :
- Organisation de la ligne hiérarchique un dirigeant/des cadres supérieurs / des encadrants de services / des encadrants de proximité / des opérateurs de première ligne (soit 5 niveaux avec une répartition des effectifs qui permettrait, par niveau de formaliser une pyramide (ou un triangle))
- Les décisions s’imposent aux échelons inférieurs. Ainsi, une « bonne » décision impacte positivement tous les niveaux comme une « mauvaise ».
Alors que l’on cherche dans les pyramides d’accidents, à agir sur les dérives quotidiennes des opérateurs de premier rang, quelle est la partie réservée au top management ?
Ne serait-il pas nécessaire également de s’attaquer aux causes des dérives comportementales qui se trouvent parfois dans les décisions managériales : Une méconnaissance des réalités terrain, le fait d’ignorer une remarque d’un industriel ou une gestion RH absente dans le cadre de projet voire sur un quotidien long terme font que les choix au plus haut niveau induisent parfois des ajustements des encadrants sur le terrain et aussi des opérateurs de première ligne.
Alors qu’il semble plus simple d’agir sur le terrain avec le comportement de l’opérateur, le changement fondamental n’est-il pas à créer auprès de l’encadrement et des CODIR ? Nous serions ici dans un changement durable alors que viser l’opérateur amène un éternel ajustement.
Je me suis remémoré plusieurs articles suite à ces derniers échanges :
- Le premier a été rédigé par le FONCSI en 2013 (j’y adhère complément (voir PJ))
- Le second, je l’ai écrit « approche comportementale en prévention : y-a-t-il un bon moment ? » écrit en avril 2016.
Aussi, je reprendrai volontiers la figure ci-dessus pour illustrer le nécessaire changement de l’encadrement dans un premier temps.
De l’état d’impliqué, le dirigeant doit s’engager personnellement dans la prévention et son premier acte fort est l’exemplarité.
Il est de mon avis illusoire de vouloir « agir » sur le comportement des opérateurs lorsque l’équipe dirigeante n’est ni convaincue, ni engagée.
Réaliser des visites sécurité programmées et continuer à faire de la prévention à travers des reporting contribue à éviter de s’engager individuellement en agissant sur les autres sans véritablement se remettre en cause.
Je me permets de vous relayer une question de sémantique entre Implication & Engagement :
Un cochon et un poulet se promènent le long de la route.
Le poulet s’adresse au cochon et dit, « Hé, pourquoi n’ouvririons-nous pas un restaurant ? ».
Le cochon regarde alors le poulet et dit : « Bonne idée, comment veux-tu l’appeler ? ».
Le poulet y réfléchit un peu et répondit, « Et bien, pourquoi ne l’appellerions nous pas ‘Jambon et Œufs’? ».
« Je ne suis pas de ton avis » répondit le cochon, « Je serai engagé alors que tu ne seras seulement qu’impliqué. »
Lorsque la prévention est « portée » par les visites sécurité et autres techniques pilotées, on reste dans l’implication.
Quand le CODIR, les managers et les encadrants de proximité gèrent au quotidien la prévention par leurs actes et des faits concrets nécessitant une vraie remise en cause et une écoute des autres, on rentre dans l’engagement.
L’engagement de l’encadrement est primordial pour passer le cap des deux premiers niveaux de la courbe de Bradley. Ce sont ces deux premiers niveaux qui feront que l’organisation saura collecter les informations sur les accidents corporels de manière fiable et apercevoir quelques informations sur les accidents matériels et prequ’accidents.
Ce n’est qu’une fois ces bases solides posées (qui sont également les bases de la culture de prévention) que l’on pourra aller chercher l’engagement des opérateurs par la transparence et la confiance instaurées en interne. A ce stade, on commencera à collecter des informations fiables sur les bases de la pyramide. Il y a fort à parier, qu’à ce niveau le haut de la pyramide soit étriqué alors que le bas semble surdimensionné.
De plus, nous constatons dans les entreprises les plus matures en prévention, lorsque nous sommes rendus au niveau le plus bas de la pyramide que les événements graves subsistent malgré des strates intermédiaires quasi vides.
Dès lors, vouloir coller à une pyramide des accidents dans sa totalité me semble illusoire et chacun doit d’abord être en capacité à évaluer son niveau de culture prévention pour connaitre son positionnement dans le couple [pyramide des accidents-courbe de bradley].
Cette évaluation est une vraie donnée d’entrée pour progresser bien plus qu’un audit système ou technique. C’est la force de notre positionnement au sein du couple [hsseassist-GRIPHE Conseil]
Je suis à votre écoute pour tout commentaire et questionnement.
Jérôme
Hello !
Si l’on entend parler de ces courbes (anglo-saxonnes… je note) c’est que certains s’en servent pour faire je ne sais quoi en réalité, tandis que leurs détracteurs ne s’en servent pas.
On en a déjà parlé dans le forum PrevInfo.net et j’étais déjà de lire le document de Y.Mortureux. Il faut observer que la pyramide de Bird ou la courbe de Bradley et autres schémas anglo-saxons du genre sont des concepts symboliques (voire magiques) et non des lois scientifiques.
Je m’explique : je trouve que Bird Bradley and Co nous sont bombardés en long en large et en travers comme des vérités scientifiques pour justifier tout et n’importe quoi à l’occasion. Je préfèrerais qu’on les oublie un peu.
Bird : je pense qu’une prévention S&ST moderne ne doit plus en être à la prise en compte des accidents (oublions aussi le TF et le TG, et le sacro-saint affichage du score de jours sans AT, qui en réalité n’apportent pas grand chose en terme de prévention) car c’est une approche réactive. La voie royale en s&ST c’est l’approche proactive, c’est à dire aborder les risques ! C’est la voie de l’EvRP, et ça évite de se restreindre aux seuls AT en s’intéressant aussi aux effets long terme du travail sur la santé (ce que ne fait pas Bird).
Bradley : c’est le justificatif de bien des approches « comportementales » de la S&ST (du genre de celle commercialisée par une entreprise évoquant le ville de Nemours) et qui plaisent tant aux employeurs car ils la comprennent vite comme l’approche du « mauvais » comportement des exécutants du travail sans se demander de quoi il résulte et en considérant implicitement que bien du coté organisation et moyens du travail tout serait au top…
Le coté magique, c’est le coté effacement de certaines réalités profondes des problématiques de S&ST. Peut-être qu’en plus j’en ai un peu marre que tout soit toujours mieux quand il y a des mots ou noms anglais…
PS, c’est cet auteur anglophone qu’évoque Y.Mortureux dans son article
https://www.foncsi.org/fr/publications/collections/tribunes-securite-industrielle/heinrich-bird-malediction-pyramides/Tribune-malediction-pyramides.pdf :
http://www.cos-mag.com/Hygiene/Hygiene-Stories/is-safety-pyramid-a-myth-study-suggests-new-approach-to-injury-prevention.html?print=1&tmpl=component
http://www.coshnetwork.org/sites/default/files/Reviewing%20Heinrich%20(Manuele%20PS%2010-2011).pdf
http://www.asse.org/assets/1/7/F1Manuele_10141.pdf
Bref je ne suis pas bien sensible à ces schémas. A+
Bonjour,
je suis globalement en phase avec toi.
Concernant « Bradley », depuis mon passage du côté consultant, je tente de travailler à partir de cette courbe pour en faire un véritable levier et support ludique auprès des dirigeants. Et je suis d’accord avec toi sur le fait que comme tout schéma, elle peut être présentée avec de multiples explications et donc interprétations qui en découlent. A la faveur d’une présentation récente auprès d’un comité opérationnel d’un groupe industriel, j’ai commencé par leur nécessaire engagement en qualité d’équipe dirigeante. Nous avons ensuite travaillé essentiellement sur leur positionnement et leurs rôles et missions. Cette illustration, à travers ma présentation, je pense, permet de replacer le rôle prépondérant du manager avant l’opérateur de premier rang.
Malheureusement, on peut également regarder ce qui nous intéresse et foncer quasi exclusivement sur la « responsabilité de l’opérateur » ce qui est foncièrement un erreur (et je pense va plutôt chercher le conflit que la paix sociale).
Pour ce qui est des pyramides, si l’on reprend la première (Bird), elle peut faire peur sur les interprétations initiales datant du début des années 1930 (on y retrouve des relents sectaires voire plus…). le moyen de son utilisation se trouve, de mon point de vue, dans le schéma que j’ai mis avec l’article. Je m’efforce ainsi de positionner la maturité prévention en parallèle au recueil des événements que l’on relève au sein de l’organisation.
Il est illusoire, voire dangereux d’utiliser brutalement les pyramides en cherchant à les appliquer à son environnement de travail. Aussi, je pense et c’est ce que j’ai écrit, qu’une organisation selon sa maturité doit se focaliser sur les événements qu’elle est en capacité à traiter plutôt que chercher à reproduire à tout prix ce schéma.
Je t’accorde qu’elles prennent (ces illustrations) sans doute trop de place dans le schéma de la prévention à la française. Elles sont cependant plébiscitées par les entreprises et j’ai fait le choix malgré tout des les utiliser avec mes mots et mes exemples plutôt que les effacer complètement de mon approche.
je connais (comme toi sans doute) de nombreuses Stés qui vendent de la visite sécurité et autres sujets d’observations des opérateurs et qui margent plutôt bien alors que la prévention n’est sans doute pas là.
Il faut résister et redonner un sens, ce qui n’est pas toujours aisé (vents contraires et besoin de chiffre €)… Je tiens bon.
merci pour les liens, bonne journée
Jérôme