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Mes échanges portent très souvent sur le rapport au risque et les perceptions individuelles autant que collectives. Que ce soit pour une équipe d’encadrants ou d’opérateurs de première ligne, le constat est similaire : cette perception est hétérogène.

Je vous propose cette lecture dans le rétroviseur sur la vision et la perception du risque hors de tout champ réglementaire.

 

« La perception du risque du public a radicalement changé. Le seuil de tolérance aux risques des citoyens dans notre société moderne tend vers zéro. Surinformé, averti des droits, mieux éduqué, le consommateur du XXè siècle devient très exigeant d’autant qu’il est devenu le centre de l’économie. De plus, avec les échanges internationaux et Internet, il n’est plus possible de circonscrire un problème donné à un pays. Tout est désormais planétaire… »   Et si les risques m’étaient comptés ! – Octares éditions

 

La perception du risque par chacun est désormais plus globale et les outils d’informations se sont multipliés : c’est ainsi que désormais, dans les minutes et les heures qui suivent une catastrophe industrielle ou naturelle, les internautes, et les réseaux sociaux s’activent sur toute la planète, s’interrogent, posent de multiples questions aux autorités et font part de leurs opinions et de leurs expériences passées.

 

Cette approche a changé radicalement la perception de chacun de nous par un double sentiment : la proximité et la répétition.

Dans cette course à l’information, existe-t-il des limites ?

je pose les bases de cette évolution il y a une trentaine d’années.

En novembre 1985, après le tremblement de terre de

Colombie, on put suivre minute par minute l’agonie d’une petite fille, Omayra, qui périt devant toutes les caméras du monde, lentement enlisée dans la boue…

 

 

 « Ce ne sont plus les poètes, mais les médias, …, qui relatent ces événements » – « Les victimes » violences publiques et crimes privés – Carole DAMIANI bayard éditions1997 –

 

Notre vision reste parcellaire et tronquée voire faussée par nos sensibilités et les assimilations que chacun de nous peut générer.

Ainsi, au début des années 2010, pendant les difficultés géopolitiques et les tensions religieuses entre les pays d’Afrique du nord et les pays occidentaux, les tours opérateurs ont vu leurs réservations chuter vers l’Afrique du nord (en grande partie par notre perception des tensions religieuses) … Alors qu’en Indonésie, premier pays par la taille pour la religion musulmane, les touristes continuaient à affluer malgré les forts risques d’attentats ! – nous voyons ce qui nous intéresse, ce que nous voulons

 

Risques technologiques et environnementaux.

Les grandes catastrophes ont contribué depuis 35 ans, à travers une communication floue, à une perte de confiance dans la communication des institutions et dans la capacité à diriger les enquêtes pour définir les culpabilités éventuelles :

  • 1984, Bhopal, des milliers de morts sont provoqués à la suite de dysfonctionnements répétés dans une usine de pesticides, les condamnations et réparations sont faibles entre 500 et 600$ pour chaque victime.
  • 1986, le nuage de Tchernobyl s’arrête à la frontière entre l’Allemagne et la France… c’est en substance ce qu’il faut retenir des informations télévisuelles de cette époque.
  • 2001, AZF, depuis près de 20 ans de nombreuses théories sont évoquées et l’opinion publique ne connaît pas les raisons d’un tel événement avec un profond sentiment d’injustice ou plutôt d’iniquité de jugement.
  • 2011, la catastrophe double de Fukushima au japon, catastrophe naturelle et technologique, provoque une onde de choc mondiale sur les risques du nucléaire civil, les victimes locales passent rapidement au second plan.
  • Plus récemment (décembre 2017), et à moindre mesure, sur les conséquences en matière de morbidité, le collectif retient un grand cafouillage sur la crise du lait en poudre : industriel, grandes surfaces et Etat ne faisant que confirmer un sentiment d’amateurisme et de non maîtrise du risque.

 

Ces événements ont fait évoluer la perception du risque dans l’esprit de chacun. Un sentiment d’impunité transpire parfois également à la suite de ces catastrophes tant il semble que les « vrais » responsables (ceux pour le collectif) se trouvent épargnés par les conséquences qu’ils ont provoquées.

Cette évolution de l’aversion au risque se conforte certainement également dans ce sentiment.

 

Le rapport au risque a également évolué sur un autre plan qui est celui de l’économie virtuelle et de l’intégrité comptable et financière de certaines entreprises. La crise, qui semble être toujours à proximité, trouve ses racines dans la finance et le consommateur doit assumer des actes/des choix qu’il subit. Nous ne nous sentons aucunement impliqués dans les causes de ces événements alors que notre boulimie consumériste y trouve sans doute sa place.

 

L’évolution du rapport au risque s’est donc élargie au fil du temps par l’information que nous avons des événements qui nous marquent mais également de notre sensibilité individuelle.

 

Certains sujets ne sont néanmoins pas appréhendés et gérés comme des risques par l’individu. La liberté individuelle est encore souvent opposée à la prise de risque, les quelques données suivantes, pour la France sont une illustration de notre perception individuelle du risque :

 – On comptabilise quelques 50.000 morts prématurés suite à la consommation d’alcool.

 – Le tabac serait la cause de 73.000 décès prématuré (restons positifs pour les impacts à moyen terme avec la baisse du nombre de consommateurs).

 

L’une des évolutions marquantes des vingt dernières années en France réside dans la perception du risque routier et des impacts socio-économiques par chacun de nous. A coup de campagnes d’informations de durcissement de la réglementation et du contrôle, les habitudes de chacun ont évolué pour obtenir un meilleur résultat collectif. Nous sommes pourtant encore opposés à toute nouvelle réglementation (c’est injuste, ce n’est pas moi le danger, c’est l’autre !).

 

Perception des risques et travail.

Le monde du travail se situe dans une sphère particulière où les prises de risques peuvent être selon les organisations blâmées ou félicitées. La fiabilisation des installations a conduit de nombreuses entreprises à poursuivre leurs démarches fiabilistes en y intégrant l’Homme comme une variable ajustable à mieux « canaliser ».

La notion de risque en entreprise a évolué conjointement à la suite des catastrophes et accidents technologiques majeurs tout en tenant compte des sinistres chroniques.

Les années 70 et 80 ont porté sur la sécurité des équipements et les efforts de fiabilisation consentis dans les décennies précédentes sur les industries à risques se sont étendus. C’est à cette époque que la France, puis l’Europe se dotent d’un arsenal réglementaire pour guider les industriels vers la conformité des équipements.

Les années 90 sont un tournant pour la perception et l’appréhension du risque en entreprise. La conformité des équipements ne résout pas tous les accidents. Une prise de conscience s’opère et les entreprises commencent à intégrer la notion de risque et de sécurité comme l’un des facteurs à part entière de l’entreprise. Les flux, l’environnement de travail, l’objectif à atteindre, …, sont autant de facteurs influant l’entreprise, les habitudes et pouvant déboucher sur un accident de travail.

A la fin des années 90 et au début des années 2000, le comportement est mis en avant. Les accidents semblent trouver naissance dans le comportement des accidentés. Le flux tendu de l’industrie semble trouver sa continuité dans le management au sein des entreprises. Le « juste à temps » et le travail de dernière minute se généralisent. Il faut pouvoir répondre rapidement et être fiable en réponse à toute sollicitation. 

On demande à l’Homme d’être résilient en toute circonstance, l’individu doit compenser les manques d’organisation de l’entreprise.

Les tensions individuelles évoluent et nous évoquons les risques psychosociaux au début des années 2000. Ce risque « nouveau » (« nouveau » pour les entreprises. Ch. DESJOURS, entre autres, alerte sur la souffrance au travail depuis près de40 ans – cf Travail et usure mentale, ed Bayard juillet 2011) est appréhendé inégalement au sein des organisations par les craintes qu’il suscite et le manque de rationalité qu’il évoque aux managers.

 

Nous avons découvert ou redécouvert les injonctions contradictoires et le fait que certains pouvaient avoir des « valeurs » qu’ils soient encadrants ou opérateur. Il me semble que nous avons également trop oublié la notion d’exemplarité, preuve d’engagement, que ce soit au sein des États et des Entreprises. Un facteur essentiel dans un partage de la notion de risque, au-delà des règles.

 

Quel est votre avis sur la suite, dans notre rapport au risque sur les 10 prochaines années ?

 

belle semaine

 

Jérôme

 

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