Certaines personnes choisissent de se mettre en danger pour un objectif qui leur tient à cœur. Que ce soit un entrepreneur qui crée sa société, une personne œuvrant dans le domaine social par conviction, un bénévole ne comptant pas ses heures pour une association, un élu qui s’engage sur sa commune ou un sportif préparant une épreuve particulière, …, dans tous ces cas la mise en mouvement est volontaire et chacun sait que le but à atteindre ne  se fera pas sans heurt lorsqu’elle ou il se lance.

Lorsque la mise en mouvement est volontaire et préparée, il reste de nombreux obstacles à lever pour atteindre le but souhaité. Il n’est pas rare que ce but soit atteint par des voies détournées voire change au gré des apprentissages. 

Même lorsque la personne est préparée à ce changement, il reste parfois brutal et les baisses de motivation apparaissent face aux difficultés quotidiennes. 

Les personnes se mettant en situation de changement volontaire sont une minorité en France. L’entrepreneuriat, même s’il progresse fortement est peu développé et le mouvement est loin d’être permanent lorsqu’on est dirigeant. Il y a sans doute autant de profils d’entrepreneurs qu’il y a de profils de salariés. 

Une capacité de résilience

En 2020 puis en 2021, l’ensemble des entreprises a fait preuve d’une formidable capacité à absorber les chocs et donc un certain niveau de résilience. Toutefois, ce changement brutal a laissé place à des sentiment différents désormais : 

  • L’instabilité professionnelle à travers des sur- ou sous-charges de travail, des plannings modifiées plus que par la passé. 
  • La perte de sens dans certaines professions, les professionnels de la restauration sont touchés de plein fouet. 
  • L’incompréhension face aux changements semblant incessant des obligations / limitations dans la sphère publique en lien avec les évolutions sanitaires. 
  • L’abandon ressenti parfois par certains professionnels, de la santé en particulier mais également de la fonction publique (ou du service public en général), menant à un découragement. 

Cette adaptation a, j’en suis convaincu, un coût humain à venir. Il n’est sans doute pas présent de la même manière partout mais il s’entend dans de nombreux corps de métiers dès lors que l’on tend l’oreille. L’entreprise se confie plus facilement sur ces sujets, elles sont nombreuses à s’intéresser aux bonnes pratiques « d’ailleurs ». Je ressens un point commun à de nombreux secteurs, celui de se trouver au cœur d’un « No man’s land » organisationnel. 

Malgré mon esprit positif, j’entends plus qu’auparavant (avant cette crise) des plaintes proches de l’usure professionnelle et ce dans différents types de métiers. 

Je reste donc positif sur cette année 2021 malgré les hauts et les bas de cette crise.  

Les limites de la résilience

La résilience a ses limites, on ne peut décréter qu’une personne au sein d’une organisation soit résiliente. J’écrivais cet article le jour où j’au reçu la publication semestrielle de l’ETUI avec un article fort intéressant sur le sujet de la résilience. En voici un extrait :

«  Dans les sciences de gestion ainsi que dans le langage managérial, on a coutume de qualifier le monde dans lequel évoluent les entreprises aujourd’hui par l’acronyme VUCA  : la volatilité (Volatility), l’incertitude (Uncertainty), la complexité (complexity) et l’ambiguïté (Ambiguity). Selon cette perspective, la crise occasionnée par le Covid-19 est un événement VUCA majeur. « 

Article de Fabienne SCANDELLA, sociologue du travail

Cette crise a mis en exergue dès mars 2020, l’absence de préparation des entreprises à ce type de situation et des plan de gestion de crise orientés, lorsqu’ils existaient sur les flux produits / matériels / … matériels généralement avec une absence de prise en compte de la gestion humaine. 

L’attente de résilience individuelle (au sens de la personne  individu) des organisations du travail est comme un « pansement sur une jambe de bois » elle atteint ses limites à travers ceux qui la porte. La résilience doit être portée par l’organisation et c’est sans doute là que la gestion de crise se perd. 

Dans un cadre dégradé comme nous le vivons depuis près de 2 ans, nous devons être en capacité à expérimenter des modes de travail et des organisations souples. Surtout sur le temps de travail et la préservation de la vie privée, le droit à l’expérimentation est presqu’un devoir. Faut-il en avoir l’envie et la capacité. 

Les modes d’organisation

Nos modes d’organisations ne connaissent pas cette situation de crise systémique. Elle se révèle comme absente de toute hypothèse des manuels de gestion de crise à part à travers le guide de pandémie grippale qui annonçait cette possibilité dès 2011. « L’apparition de virus grippaux pandémiques reste une préoccupation majeure. Rien ne permet, en effet, d’affirmer que la prochaine pandémie grippale aura le caractère relativement modéré de celle de 2009. Outre son impact sanitaire, une pandémie grippale peut provoquer une désorganisation du système de santé, mais aussi des perturbations importantes de la vie sociale et économique. La réponse relève donc d’une approche non seulement sanitaire mais intersectorielle » Plan pandémie grippale octobre 2011. 

Nous continuons à piloter nos organisations dans un cadre réglementaire inadapté et obsolète. Et là pour une fois les syndicats de salariés et d’employeurs se rejoignent pour éviter tout mouvement brusque, ce que je comprends profondément tout en alertant sur le risque d’immobilisme. 

Un indicateur symptomatique

Inscrit au cœur d’un incubateur, des nouvelles tech et propositions de produits innovants, j’ai identifié un indicateur symptomatique de notre besoin de changement de référentiel : le développement et le succès des applications visant à un auto-coaching, un suivi psychologique, une gestion de temps optimisée, … tous ces éléments sont, pour moi, autant d’indicateurs qu’un déficit très clair est présent au sein des institutions et organisations publiques et privées de tout genre. On ne peut demander à l’individu de s’adapter constamment en ayant autant d’incertitudes face à lui. 

Le leadership

La notion de leadership prend ici tout son sens pour le dirigeant qu’il soit chef d’entreprise, président d’association, … cette personne doit être en mesure de continuer à donner la voie, rassurer sans trop d’optimisme mais surtout guider en contribuant à maintenir un cadre le moins flou possible. Finalement, j’en arrive à me dire que le soutien doit plus se trouver auprès des « dirigeants » pour tenter de guider et rassurer leurs équipes. 

La résilience pour une organisation c’est, dans un cas comme celui que nous vivons : 

  • Rebattre les cartes des objectifs de l’entreprise / organisation. 
  • Se centrer sur l’essentiel.
  • Se centrer sur la tâche à effectuer, le travail réel, plutôt que le temps.
  • Penser collectif plutôt qu’individu.
  • Savoir aménager des temps de « repos » pour reprendre son souffle. 
  • Repenser la gouvernance à travers nos choix économiques, industriels et digitaux. 

Peut-être penserez-vous que je me suis éloigné de ma ligne éditoriale sur la prévention des risques professionnels :

  • Je ne le pense pas, l’instabilité ressentie contribue à l’augmentation du risque d’accident, de maladies professionnelles ou non par le développement d’inquiétudes, d’insatisfactions et de contradictions que chacun.e perçoit différemment. 

Souhaitant de tout cœur que 2022 permette de rassurer et « stabiliser » le changement ! 

Je vous souhaite un joyeux noël !

Jérôme Allaire

Merry Christmas

GRIPHE Conseil

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