Accidentologie et situation sanitaire

A la fin de l’année 2019, l’apparition d’un nouveau virus en Chine a provoqué une crise sanitaire mondiale dû à sa forte propagation entre les pays. Le Sars Cov-2, très contagieux, entraînait des symptômes allant jusqu’au décès des personnes touchées. Il a été rapidement nécessaire de mettre en place un confinement dans l’objectif de limiter sa propagation. En effet, celui-ci se diffusant par l’intermédiaire de contacts humains, la mise en place de cette mesure organisationnelle a permis de les limiter. Cependant, la mise en place de cette démarche n’est pas sans conséquence sur le plan humain mais également financier.

Le recours à des dispositifs comme le chômage partiel de longue durée ou le développement du télétravail ont permis de soutenir l’économie, contraignant un grand nombre de personnes à rester isolé à leur domicile. Une fois terminé, les travailleurs ont repris leurs tâches de travail quotidiennes malgré, pour certains, des mois sans les réaliser. 

Les enjeux seront :

  • De prendre en compte les nouveaux risques liés au retour du confinement. Mais également la baisse de vigilance des salariés suite à un éloignement de l’entreprise.
  • De concilier la prévention du risque biologique avec les autres risques du document unique et plus globalement, de réduire l’impact du confinement sur l’évolution de la sinistralité. 

Les conséquences du confinement

La mise en place d’un confinement a eu pour effet d’éloigner les salariés du quotidien de leur entreprise, entraînant des impacts humains tels qu’une baisse d’attention ou l’absence de vigilance dans l’exercice de leurs travaux. Par ailleurs, aucune formation ou sensibilisation n’ayant été réalisée depuis plusieurs mois, certaines consignes pouvaient ne plus être pratiquées. L’impact économique a des conséquences sur le déblocage de budget permettant d’améliorer la prévention de l’entreprise. Enfin, le virus nécessitant la définition d’un protocole sanitaire stricte, ce risque peut apparaitre au premier plan, mettant de côté d’autres risques essentiels. 

Après analyse comparative de nos recueils d’accidents de nos quatre entreprises respectives (aéronautique, logiciel, fonderie,…). Nous ne remarquons à première vue pas nécessairement d’évolution significative du nombre d’accidents dans nos entreprises (nombre brut d’accidents.). L’hypothèse établie d’une accidentologie croissante à la vue du déconfinement, due à une perte d’habitude, de savoir-faire ne s’est pas traduite par une application, du moins au sein des entreprises étudiées. Dans l’entreprise de logiciel, les résultats bruts du nombre d’accident en dégradation sur l’année 2020 ne peuvent pas être traduits pas une évolution liée au déconfinement mais inversement les bons résultats sur les mois du début de l’année 2020 s’expliquent par la baisse d’activité.

Analyse des Taux de Fréquence et de Gravité

Nous retrouvons en fin d’année 2020 les valeurs de l’année 2019. Pour la fonderie, les indicateurs se sont fortement dégradés à la suite de deux accidents graves. Après enquête du CSSCT, il s’est avéré que ces accidents ont eu lieu du fait d’un retard important dans les opérations de maintenance en lien avec le premier confinement, et des mesures de prévention associées au retour en entreprise. Les Taux de Fréquence et Taux de Gravité représentent de bons indicateurs de cette évolution, puisque rattachés intrinsèquement au nombre d’heure travaillées. Il est possible de remarquer, en prenant en compte ces deux indicateurs, subissent eux, une augmentation que nous pouvons rapprocher aux effets du déconfinement.

Les Taux de fréquence et Taux de Gravité de ces deux entreprises, en baisse constante depuis 2019 subissent une forte hausse à partir du mois de juin 2020. Ainsi, malgré un nombre brut d’accident constant, le nombre d’heures travaillées a diminué, dégradant ainsi les indicateurs, et poursuivant cette dégradation sur la fin de l’année 2020.

Ce n’est pourtant pas un constat que nous pouvons appliquer à toutes les entreprises. Dans notre entreprise de l’aéronautique, il n’a été constaté aucune dégradation d’indicateur à la suite du déconfinement. Il n’y a jamais eu d’arrêt d’activité complet, 40% de chômage partiel. La typologie des accidents n’a en revanche pas significativement évoluée dans nos entreprises. Et aucun effet du confinement/déconfinement n’est à prendre en compte dans nos analyses de typologies. 

Nous pouvons tirer plusieurs hypothèses de ces analyses :

  • Une priorité du risque Covid nous a-t-elle fait fermer les yeux sur les autres risques ? C’est en effet une possibilité d’explication : notre concentration / temps accordé à la gestion du risque covid a pu freiner la mise en place d’actions sur les autres risques, dégradant ainsi les indicateurs du TF et TG. Les effets retardataires de la prévention des risques ne se déclarent ainsi pas immédiatement et expliqueraient cette dégradation progressive de juin à décembre.
  • De plus, du fait du confinement et du renforcement des protocoles sanitaires, des retards dans les opérations de maintenance ont pu être observés, d’une part du fait d’un nombre réduit de jours de travail et d’autre part par la difficulté à recevoir le matériel nécessaire à ces opérations. Il en est de même pour les vérifications réglementaires.
  • Une autre hypothèse peut être avancée : Le retour au travail n’a pas été suffisamment encadré, un retour aux postes de travail après une longue absence aurait pu nécessiter des rappels des consignes, de plus certaines formations se sont retrouvées reportées. 

La Covid aura chamboulé le monde du travail mais il est nécessaire de continuer à prendre en compte les résultats des évaluations des risques propres à chaque entreprise. Cela est d’ailleurs rappelé dans les différentes versions du protocole sanitaire publié par le Ministère du Travail.

Il est donc nécessaire de mettre en place des outils et une démarche à tous les nouveaux de l’entreprise.

Au sein de l’entreprise :  

  • Mettre en relation l’évaluation des risques avec les mesures Covid (attention au gel hydroalcoolique inflammable)  
  • Se tenir à l’écoute des difficultés des salariés. Être vigilant quant à l’isolement des personnes  
  • Répondre aux questions des salariés via le référent Covid  
  • Reprogrammer au plus tôt les formations réglementaires  

Au sein de l’équipe et/ou du poste de travail :  

  • Rappeler les consignes générales de sécurité  
  • Mettre en place des audits de poste sécurité incluant le risque covid mais également les risques “habituels” du poste de travail  
  • Renforcer l’écoute des opérateurs  
  • Signaler les difficultés des opérateurs  
  • Rassurer quant à l’efficacité des mesures covid  

Au sein du service maintenance :  

  • Reprogrammer au plus tôt les opérations et les vérifications annulées  
  • Être présent lors du redémarrage des machines pour s’assurer de leur état de fonctionnement 

Parmi les trois entreprises étudiées, deux ont fermé leurs portes pendant le premier confinement. Pour ces dernières, il a pu être observé une légère hausse de l’accidentologie et de la gravité des accidents du travail par rapport aux années précédentes. Pour l’entreprise qui est restée ouverte avec un chômage partiel important, les indicateurs n’ont pas subit de variations significatives.

Cependant, ce constat s’adresse à un échantillon très limité d’entreprises de secteurs différents. Il serait intéressant de reproduire cette analyse sur davantage d’entreprises. L’analyse annuelle de l’Assurance Maladie pour l’année 2020 permettra de chiffrer exactement cette évolution. 

Retour d’expérience limité à quelques entreprises.

Enseignant vacataire, @CNAM-IHIE à Angers, j’avais eu des retours hétérogènes sur la situation accidentelle dans diverses entreprises au retour du 1er confinement. Aussi j’ai souhaité collecter les avis d’étudiants, désormais diplômés sur la situation qu’ils connaissaient. Cet article date de mai 2021.

Merci à C. Arviset, S. Bahr, C. Coisnard, A. Jerbillet, C. Métayer de la promo 2019-2021.

Griphe Conseil

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