Les émotions au travail

A priori, quel est le lien entre un ouvrage de ce type et les pratiques au quotidien en santé-sécurité au sein des organisations ? Aucun pour beaucoup d’entre nous….

Ce sont pourtant mes lectures depuis près de 20 ans sur les domaines de la S&ST et de toutes ses composantes qui m’ont amené à lire et annoter ce livre de Aurélie JEANTET (sociologique, spécialiste du travail, maître de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle et chercheuse au laboratoire Cresppa).

La plupart de mes lecteurs habituels le savent, je ne fourni pas de recettes toutes faites (à quelques exceptions près). Mes convictions ne sont pas des certitudes. Ainsi je grandis avec mes rencontres physiques ou virtuelles au gré des contacts et des rebonds qu’ils engendrent.

Trois grands chapitres participent au cheminement du lecteur :

  • 1 Émotions et sociologie
  • 2 Émotions et métiers
  • 3 Émotions et domination

Le travail est présent à chaque étape. L’ouvrage de A. JEANTET aide le lecteur à appréhender les relations complexes autour des émotions dans le cadre d’une organisation.

J’y ai adoré qu’une partie du premier chapitre soit un rappel du mouvement engendré par Mayo dans les années 1930. Trop souvent oubliée, Hawthorne, est l’une des bases de la réussite d’une culture de prévention « les travailleurs sont sensibles à l’ambiance et à la cohésion du groupe, aux modalités d’exercice de l’autorité, aux manifestations de considération et de reconnaissance » – p64.

Un basique de l’organisation du travail et des relations inter-individus qu’il est toujours bon de rappeler. Peu sont les préventeurs associant les sciences dures avec les sciences humaines et sociales. De plus, il est facile de se trouver catalogué dans l’un ou l’autre des domaines alors que les deux axes sont nécessaires à la réussite d’un projet de prévention. Être généraliste n’est pas un défaut. C’est avoir l’opportunité d’appréhender la prévention de manière systémique. Il suffit d’avoir l’envie de découvrir de nouveaux horizons avec leurs briques vous aidant à construire/accompagner la culture de prévention dans votre environnement de travail.

Le premier chapitre 

Le premier chapitre est essentiel pour aborder des notions que les préventeurs connaissent en les nommant correctement et en rappelant le large spectre des éléments impactant les émotions.

J’y ai vu un parallèle très concret avec mes pratiques ou celles de consœurs / confrères lorsque les vécus individuels interagissent au travail. De mon côté, j’aborde souvent l’accompagnement des managers à travers leurs croyances.

Les émotions sont exprimées quasi exclusivement de manières négatives « sans prise en compte du contexte culturel, social et moral dans lequel elles se déploient ». L’exemple cité est explicite « la peur peut être négative, si elle nous tétanise alors qu’on devrait courir pour fuir le danger, mais positive si la décharge d’adrénaline nous permet de faire un bond et d’éviter un accident ».

 

Le second chapitre « émotions et métiers ». 

Depuis la socialisation des émotions jusqu’aux formations de grandes écoles en passant par l’opérateur de premier rang, on comprend, ici, beaucoup mieux les difficultés quotidiennes au sein des organisations. Lorsque la reconnaissance est absente, ne serait-ce qu’à travers un merci, que l’individualisation des tâches amène l’ennui ou que même le bonjour quotidien n’est pas de mise, l’organisation construit et consolide des bases néfastes à sa réussite.

Le troisième chapitre 

La troisième partie « Emotions et domination ». Les habitudes ont la vie dure et les émotions restent orientées selon les genres. Aux Hommes : le déni. Le déni aide à prendre des risques et continuer à travailler dans certaines situations. « en déniant le danger, ils s’affranchissent alors de la peur… ». La distance et la désaffectivation et aux femmes l’empathie, la peur,…

Ces « clichés » restent très présents dans notre vision collective et dans nos relations. Ils impactent nos organisations et sont des éléments importants, sinon primordiaux à prendre en considération lorsque l’on travaille à une culture de prévention.

Je terminerais cette présentation par cette citation d’A. JEANTET « Porter attention aux émotions qui s’expriment dans les mondes professionnels, c’est porter attention au travail réel » –  p270

Je peux vous conseiller cette lecture pour diverses raisons

  • Mieux tenter de comprendre l’organisation au sein de laquelle vous travaillez
  • Si vous êtes préventeur, prendre du recul sur vos pratiques (êtes6vous plutôt techniques, plutôt dans le care,… les 2 n’étant pas incompatibles.) car cela peut être l’une des sources de votre déphasage vis-à-vis des attentes de votre encadrement.
  • Comprendre les fondements de beaucoup de formations incomplètes basées sur les comportements individuels (le comportement collectif, celui de l’organisation, est celui à corriger sur le long terme pour performer !). Les vécus individuels peuvent être les freins ou les leviers futurs de la réussite d’un projet autour de la culture de prévention.
  • Se (ré)intéresser aux travaux de Mayo…

Jérôme

4è de couverture du livre pour vous donner envie d’aller plus loin 

Comment penser nos émotions dans la vie professionnelle ?
Question délicate entre toutes tant le champ du travail se veut ordonné, rationnel, balisé. Et pourtant, le travail sollicite de manière vive la subjectivité, le corps et les affects. Chacun y cherche du plaisir, des échos sensibles à ce qu’il est, à ce en quoi il croit.

Comment penser nos émotions dans la vie professionnelle ?
Question délicate entre toutes tant le champ du travail se veut ordonné, rationnel, balisé. Et pourtant, le travail sollicite de manière vive la subjectivité, le corps et les affects. Chacun y cherche du plaisir, des échos sensibles à ce qu’il est, à ce en quoi il croit.
Parallèlement, les dimensions de contrainte et d’exploitation y sont omniprésentes et de plus en plus intrusives, allant chercher du côté de l’intime dans le but de mobiliser, d’obtenir toujours plus de chacun. Instrumentalisation et déni des émotions, paradoxalement, cohabitent, générant une souffrance au travail qui semble croître dans tous les secteurs. L’idéal de maîtrise insinue qu’une bonne  » gestion  » des émotions serait la solution, et le management et la communication organisationnelle y contribuent d’ailleurs en mettant l’accent sur les émotions  » positives « .
Mais, tout en étant socialement construites, les émotions sont fondamentalement marquées du sceau de l’imprévisibilité. Elles ne peuvent être un simple  » rouage  » pour produire plus et mieux : elles introduisent un  » grain de sable  » qui vient parfois gripper la machinerie, pour le meilleur et pour le pire. L’attention aux émotions apparaît comme une manière de se relier aux autres, au monde et à soi, en se recentrant sur ce qui compte. Elle peut alors être pensée comme une forme de résistance et une voie d’émancipation.
Au fil d’une démonstration appuyée sur des exemples concrets, Aurélie Jeantet redonne aux émotions la place qui leur revient, dans leur spécificité, leur diversité, leur ambivalence, leurs effets multiples, et leur caractère potentiellement subversif.

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