Quel avenir pour la prévention des risques en entreprise ?
Cet article fait suite à celui paru le 17 février 2021 concernant la réforme des services de santé au travail.
La réforme engagée il y a 3 ans aurait pu être un formidable tremplin pour acter des sujets de prévention et en faire un enjeu industriel d’attractivité pour renouveler l’image des métiers physiques, pénibles et autres qualificatifs qui font que certaines activités ont de grandes difficultés à recruter. Là où les partenaires sociaux s’accordent pour faire de cette réforme de la santé au travail un lissage vers le bas, aucune approche systémique des réelles enjeux humains et économiques ne voit le jour.
Il n’y a aucune prise de risque dans la loi qui s’annonce. Tout le monde est resté au bord de la piscine pour ne pas trop se mouiller sur les sujets de la prévention des risques professionnels.
Nous avons eu de très nombreux rapports parlementaires depuis 5 ans en France :
- rapport d’information relatif au syndrome d’épuisement professionnel du 15 février 2017
- rapport sur compte personnel de prévention rapport du 26 mais 2015
- rapport sur la santé au travail des fonctionnaires du 28 octobre 2019
- rapport Lecocq de juillet 2018
- rapport sur les arrêts de travail de janvier 2019
- …
Je me permets d’ajouter le rapport du professeur Frimat de 2018 qui me semble non négociable dans une vision moyen-long terme de la prévention des risques professionnels.
Nous avons matière à avancer et nous savons que le système actuel ne fonctionne pas. Pourtant, nous continuons en fonçant vers le mur devant nous.
En France, au début du siècle dernier, la fonction prévention était très proche de l’hygiéniste du travail. Elle se partageait entre cette fonction et le médecin du travail voire les ingénieurs des mines pour les travaux souterrains.
L’organisation n’a que très peu bougé en dehors d’associations de prévention dont l’origine de l’APAVE, de l’AINF,… pendant 50 ans.
Cela a commencé à changer après guerre avec la création de la sécurité sociale.
Que ce soit du côté des préventeurs ou des services de santé au travail, peu de chose s’est passée jusqu’à la fin des années 80 voire le milieu des années 90. On travaillait plus à la technique qu’à l’aménagement du travail à l’Homme.
En France le constat est sans équivoque, on en parle mais il ne se passe pas grand-chose. 5 IUT HSE jusqu’au milieu des années 90, une ou deux écoles d’ingénieurs. Aujourd’hui, il y a pléthore de formations universitaires ou autres cursus. Les DUT deviennent des BUT à la rentrée prochaine.
Malheureusement, on confond formations techniques et formations dites de « management » QSE. On arrive aujourd’hui à avoir des diplômés de Master qui ne connaissent pas la technique (ou les techniques qu’elles soient basiques en matière de risques physiques, chimiques ou biologiques). Et là c’est un autre point de vue, les systèmes de management QSE ne font pas la performance sur ces sujets, ils sont soit des tremplins vers une vraie maturité soit une fin en soi et dans ce cas c’est le synonyme de la médiocrité.
En parallèle, les technologies et le monde du travail se complexifient tous les jours. Les risques passés restent présents et il faut rester pro-actif vis-à-vis des risques émergents.
Nous vivons une crise sanitaire depuis un an déjà. Je rêvais à un véritable statut pour la prévention des risques professionnels. Les préventeurs et les préventrices sont sur le pont depuis 12 mois à gérer les règles et les compromis en entreprises au quotidien. Ce quotidien a été géré en complément des autres activités de prévention.
Et que se passe-t-il en ce moment ?
Aucun des rapports parlementaires ou des études de la DARES n’est pris en compte dans le projet de prévention de notre Etat. La sécurité et la santé ne sont pas une priorité. On les relègue au second rang. Ce n’est pas un métier puisque l’on autorise depuis beaucoup trop longtemps toute personne ou presque à devenir IPRP.
Je suis fâché et fatigué par notre organisation paritaire transformant et abaissant plutôt qu’élevant les enjeux de prévention des risques professionnels. Je suis mécontent de nos parlementaires qui se soucient peu de leur industrie et des femmes et hommes qui la composent.
Prévenir c’est ne pas subir, prévenir c’est anticiper, prévenir c’est éviter des désagrément futurs mais prévenir ce n’est pas répéter à l’infini des décisions passéistes néfastes à notre population active. Celui qui a peur d’évaluer les risques, de s’engager, subit et semble découvrir régulièrement des scandales dont il connaissait l’existence (amiante, ether de glycol, sang contaminé, bisphénols, …).
Alors non, cette réforme n’en est pas une. Elle fait fi de la réalité du terrain. Alors que le législateur devrait être plus exigeant que l’actualité et nous amener à une projection à 10-15 ans, il semble intégrer le document unique comme un sésame non négociable. Ce principe, basique, était inscrit dans la directive cadre de 1989…
A votre écoute
Jérôme Allaire – Griphe Conseil