Libérer l’entreprise, ça marche ?

Libérer l’entreprise, ça marche ?

L’été est toujours pour moi une période favorable à la lecture. A la lecture professionnelle, je dois préciser, ma détente passe par la construction de mes réflexions à venir en découvrant de nouveaux ouvrages plus ou moins récents. J’en profite parfois pour lire des livres sortis depuis plusieurs années.

Cette année, je commence mon retour par  le livre

lien vers le site octares et le livre.

J’ai fait une grande partie de mes emplettes aux éditions Octares car j’y ai trouvé des sujets intéressants dans la continuité de mes réflexions et des orientations que je prends depuis plusieurs années. L’Homme dans son environnement de travail est infini et mes convictions évoluent avec rarement la place aux certitudes mais plutôt  des chemins à suivre.

Aussi pour travailler dans un environnement où les modes de management me sont, de plus en plus, présentés comme tantôt « agiles », « libérés » ou « responsabilisants », ce livre tombait au bon moment pour un été 2020 placé sous de mauvais augures sanitaires.

Je vais vous présenter ce livre en m’appuyant sur plusieurs extraits glanés à différents moments de lectures. Elles ne sont d’ailleurs par forcément classés dans l’ordre de lecture.

Je tiens à remercier, tout d’abord, Laurent Karsenty, qui m’a accordé quelques instants cet été pour discuter de ce livre.

 

« La confiance constitue un des principes fondateurs de l’entreprise libérée, elle a pour corollaire la substitution du contrôle formel par le contrôle social. D’un côté les normes sont internalisées par chaque individu sous forme d’autodiscipline. De l’autre, un contrôle horizontal s’exerce entre pairs. » Holtz

Cette première extraction du livre a fait écho par le parallèle avec les observations et les échanges que j’ai eus sur le terrain au sein de diverses entreprises dans cette mouvance. J’avais le sentiment qu’une pression, parfois sournoise, et plus forte qu’avec un management classique s’était instaurée entre pairs. Le collectif pousse à l’extérieur du cercle les personnes différentes. Autant au sein de très petites structures, la volonté de changement et d’organisation ouverte est partagée, autant elle est très souvent imposée dans les plus grandes structures avec des personnes laissées sur le trottoir. Le contrôle social peut être plus dévastateur que le contrôle hiérarchique, le collectif rejette un individu. Celui-ci se trouve donc dans une situation inconfortable moralement.

 

p.223 : Holacratie selon Brian ROBERTSON « une technologie servant à diriger et faire fonctionner une organisation, qui suit un ensemble de règles très différentes de celles en vigueur dans une organisation conventionnelle. L’holacratie est notamment dotée des éléments suivants :

  • Une constitution qui définit les règles du jeu et redistribue l’autorité
  • Une nouvelle façon de structurer une organisation et de définir les rôles des employés et les sphères d’autorité au sein de celle-ci ;
  • Un processus de prise de décision afin d’actualiser  ces rôles et autorités
  • Un processus de réunion pour synchroniser les équipes et faire avancer le travail »

Il semble que ce soit le fondement des entreprises libérées. L’Holacratie est nouveau pour moi, c’est un terme central de ce mouvement. L’un des points centraux de ces développements de nouveaux modes d’organisations se trouve dans la manière de faire.

Il s’avère qu’à la lecture de l’ouvrage (j’en étais plutôt convaincu avant !), la recette miracle n’existe pas. Passé le moment d’accompagnement par des consultant externes, la majorité des entreprises tend à poser sa propres organisation et ses limites  entre 18 et 36 mois après le lancement.

 

« le pouvoir d’agir qui est accordé à des salariés responsabilisées n’équivaut pas à une liberté totale : on attend d’eux qu’ils soient pleinement conscients des enjeux et des risques associés à leurs décisions et en capacité de les justifier a posteriori, si besoin »

Cette partie est important pour moi. Le contrôle sur le travail est toujours présent. L’un des mythes des entreprises libérées voudrait que la « libération » soit parfois comparée à « l’anarchie ». il n’en est rien. L’entreprise libérée sort du moule pour regarder le moule de l’extérieur et se demander comment elle va le remodeler à son envie avec toujours un objectif en tête : la pérennité de l’entreprise !

 

«  en réalité, si l’on trouve quelques partisans de la suppression des managers, la plupart des organisations responsabilisantes les ont conservés mais en les repositionnant sur des fonctions de soutien à l’activité et de développement des personnes et des collectifs »

Cette approche est plutôt bien appréciée par les managers qui ont des difficultés de gestion et organisation d’équipes. Cela laisse souvent plus de place aux personnes sachant aider à faire sans faire eux-mêmes. C’est aussi une belle opportunité pour réfléchir plus en mode intrapreneuriat qu’en fourmi du quotidien.

 

« pour avancer, on a toujours besoin d’un candide et d’un expert » Cette phrase me sied à merveille puisque je l’applique depuis de nombreuses années dans le management de la prévention. C’est aussi pour cela que j’échange plus avec des non-préventeurs qu’avec des personnes de mon métier. J’ai suffisamment d’œillères au jour le jour pour ne pas les renforcer avec une vision mono-ligne autour de la prévention. Lorsque je forme sur des sujets d’analyse d’ENS, j’insiste sur la présence indispensable d’un béotien pour poser les fameuses questions « bêtes » que personne n’ose poser.

 

 

« les environnements capacitants sont décrits comme des environnements techniques, sociaux et organisationnels qui fournissent aux individus l’occasion de « développer de nouveaux savoir-faire et de nouvelles compétences, d’élargir leurs possibilités d’action, leur degré de contrôle sur leur tâche et leurs modes opératoires, c’est-à-dire leur autonomie ».

Face à cela, j’ai eu des salariés qui m’expliquaient ne pas vouloir changer et qu’il n’étaient pas sur ce poste pour prendre des décisions. Cette approche « responsabilisante » pose la question du libre choix ou du changement forcé. On pourrait presque considéré que le contrat est rompu entre l’instant « t » d’entrée dans l’entreprise avec un environnement donné et ce changement apparu sur la lubie d’un dirigeant.

 Vocabulaire : Un holon est un élément du système qui est à la fois un tout en lui-même et un sous-ensemble du système.

«la sociologie du travail nous enseigne que la performance de l’organisation est fortement corrélée à la densité des relations de travail durables entre les différentes niches sociales qui se constituent au sein de l’organisation(…) »

 

Je suis resté sans voix sur le cas du Groupe Hervé tant il me paraît extrême. Dès le recrutement on évite de «sélectionner des profils psychologiques incompatibles avec la philosophie de l’entreprise ». on se rend compte ensuite que chaque salarié est qualifié en

  • Enfants / adolescents / adulte puis en
  • Dauphins / moutons / renards

Certains profils ne sont pas souhaités dans l’entreprise. Mais finalement, je ne suis pas surpris car pas plus dans une entreprise traditionnelle que dans une entreprise « responsabilisante » tous les profils de personnes ne peuvent trouver leur place.

 

Un livre que je conseille fortement pour l’ouverture sur les organisations responsabilisantes ou libérées. Elle n'ont pas forcément de meilleures résultats S&ST que ce soit sur les accidents physiques ou les conséquences de RPS.

Il complète un ouvrage que je vous avais proposé il y a déjà plusieurs années sur les nouvelles organisations du travail tout en précisant le sujet des entreprises libérées. Chacun doit trouver son organisation et comme toujours, le copier-coller n’existe pas. Il sert à donner un cadre pour se lancer avant de former l’organisation à son image et avec ses équipes.

bonne lecture.

A l'écoute de vos commentaires et avis pour compléter cette lecture et m'ouvrir à d'autres voies.

Merci

Jerome

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