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La règle, la contrainte et la réalité ou comment inverser le discours sur la perception des sujets de santé et de sécurité au travail pour les TPE-PME

 

Bonjour,

Je reviens vers vous avec un sujet qui me tient à cœur (vous me direz, quand il s’agit de SST – QVT, ça me tient à cœur ! ce n’est pas faux).

S’il y a une chose de difficile lorsque l’on est consultant formateur, c’est de toucher les TPE voire PME de moins de 50 salariés. Elles sont très nombreuses et représentent le tissu économique majoritaire de notre écosystème entrepreneurial français.

Prospecter dans ces entreprises sur les sujets de S&ST peut ressembler à un chemin de croix, voire un véritable sacerdoce tant l’écoute est absente. Le dirigeant est focalisé sur son business et la secrétaire de direction, qui peut être la conjointe, ferme la porte par sa toute puissance (on fait déjà, tout est déjà organisé, …) sans avoir la maîtrise du sujet et par volonté de ne pas ouvrir les portes de l’entreprise à une personne extérieure (pour information, je n’ai pas encore croisé de dirigeante ayant son compagnon à l’accueil-secrétariat-gestion…)

Et lorsque vous arrivez à échanger sur le fond et la forme de la SST, on découvre, la plupart du temps, un véritable besoin.

Ce besoin, je l’ai ressenti de diverses manières :

  • Sa rassurer sur ces sujets de SST.
  • Avoir une information directe et claire (sans intermédiaire avec des réponses immédiates).
  • Comprendre un sujet « annexe » à la vie d’entreprise.
  • Echanger avec un extérieur (en confiance) sur divers sujets.

C’est aussi échanger sur le business d’égal à égal même si nos activités sont différentes entre prestation technique et matériel vs prestation intellectuelle. Néanmoins, nos questions et nos doutes sont identiques comme la perception du marché.

 

Il y a un véritable besoin avec ses difficultés :

 

Comment rassurer dans un contexte où, aussi bien les organisations syndicales que les comptables agitent le spectre de la réglementation-sanction en continu ?

Agiter le chiffon rouge en permanence depuis des années sert un certain business orienté juridique. Si, et c’est un avis personnel, le principe de précaution intégré à la constitution est une épée de Damoclès pour les entrepreneurs, il ne peut occulter la prise de risque quotidienne des entreprises. Celle-ci revêt des aspects financiers, économiques, juridiques, humains, environnementaux… qui sont évalués, ou non, par l’entreprise.

Parler toujours de réglementation comme une contrainte c’est oublier la régulation qu’elle amène également pour les entreprises. La loi est une « contrainte » lorsqu’elle nous dérange et elle est normale lorsqu’elle nous sert !

Aborder l’évaluation des risques, ce n’est pas parler de la sanction en cas d’absence ou de non mise à jour, c’est valoriser les bonnes pratiques de l’entreprise, parfois passer d’une culture orale aux prémices d’une culture de l’écrit (l’un et l’autre sont nécessaires).

Et cela n’est qu’un discours évolutif dans le temps : nos comptables comme les organisations syndicales doivent rendre la communication positive par l’apprentissage de la vertu de l’exercice d’évaluation des risques plutôt que la sanction potentielle. Les juristes ont autant à gagner en étant bienveillant et guider à travers les méandres de la réglementation plutôt que s’arrêter sur la dernière jurisprudence plus contraignante que la précédente.

Rassurer c’est donc :

  • Positiver par la prévention active et pragmatique (toutes les entreprises font des choses bien).
  • Inciter à faire pour assurer l’obligation de diligence normale.
  • Faire le lien avec l’apport pour l’entreprise et le dirigeant.

 

Peut-on faire simple (plus simple) en comparaison aux ETI et groupes qui « managent » la sécurité grâce à leur armée de préventeurs et d’outils technologiques en tout genre ?

Les préventeurs savent-ils faire simple et s’engager sur des bonnes pratiques, proposer des solutions « au mieux » en évitant de se cacher en permanence derrière la réglementation ?

 

J’ai été amené à reprendre, récemment, une évaluation des risques pour une TPE de 6 personnes. Le dirigeant ne comprenait pas ce qu’il y avait dedans et quelle était son utilité.

Pas de surprise de ma part, le document comprenait 8 critères de classifications amenant à une note finale entre 1 et 10.000 !!! il avait été établi sur un fichier excel contenant 4 onglets portant sur les différents métiers alors que les personnes en place sont toutes polyvalentes.

C’était finalement un document réalisé par un préventeur pour un préventeur.

Nous avons travaillé à un support tenant sur un format A3 affiché dans l’atelier pour que chacun puisse y inscrire ses commentaires et idées et ainsi faire vivre au quotidien l’évaluation des risques. Nous avons également repris les actions phares des deux dernières années (isolation du bâtiment, bouchons moulés, réhausse de tables de travail, …)

Trop souvent, les outils complexifient les situations plutôt qu’ils ne les simplifient.  Par exemple, utiliser Seirich dans un TPE alors que les salariés ne connaissent pas correctement les pictogrammes de risques est inadapté. Le mieux ou le parfait devient l’ennemi du bien et du pragmatique.

Peut-être devrons-nous, dans les formations de type IUT HSE et licences HSE apprendre à revenir aux fondamentaux et limiter le recours aux termes « management » ou « gestion » et les remplacer par « pratique » et « appliqué ».

Je suis donc convaincu que nous pouvons et que nous devons faire simple. Cela passe par un ré-apprentissage de nos pratiques, nous préventeurs, pour viser le besoin et l’usage plutôt que la contrainte.

Si je me pose la question : qu’est ce que j’apporte à l’entreprise, à mon client dans son contexte ? je travaille à construire avec lui et non à appliquer un pansement identique à chacun.

 

Quel est le « jeu » de nos institutions vis-à-vis de ces entreprises (TPE et PME >50 pers.) quant à l’application de la réglementation (est-il plus tolérable d’être en écart de conformité ?).

Le droit à l’erreur fait désormais partie de nos possibilités en qualité d’entrepreneur. Ce droit me paraît bien limité face à nos différentes obligations et si le gouvernement actuel s’est engagé comme les précédents à réduire la pression réglementaire, pour le moment, c’est loin d’être une réalité.

A nouveau, je vous livre un retour d’information.

Une TPE achète une machine sur catalogue. Cet équipement permet la pose d’œillet pour accrocher une banderole par exemple.

Il faut positionner une partie de l’œillet sur la partie basse, une seconde sur la partie haute. Il est nécessaire de tenir le support à poinçonner pour s’assurer d’un trou et d’une pose correctes. Les deux mains étant prises, la commande est au pied.

Le poinçon, à la descente, est protégé par un carter translucide.

A priori, cet équipement est simple d’utilisation et ne nécessite pas un niveau important de technicité.

Rapidement, la partie blanche (butée) est ajoutée sur la machine pour guider le matériel à percer et s’assurer d’une certaine qualité de réalisation (cela n’affecte pas le fonctionnement ni la sécurité).

A la faveur d’une inattention (provoquée par la distraction de son téléphone portable) un apprenti active le poinçon selon un mode non connu qui le fait descendre sans la protection périmétrique… Il en découle un doigt écrasé. S’en suit un courrier de l’inspection du travail questionnant sur la conformité, la formation, …

Pour avoir vu cet équipement, il présente une réelle problématique de conformité à la conception selon un mode d’utilisation bien précis. Pour autant est-ce à l’utilisateur final qu’incombe la responsabilité ? L’accident est incontestable et il a permis également de ré-affirmer l’interdiction du portable dans les ateliers.

De bonne foi, le dirigeant achète un matériel CE existant sur le marché et répondant à son besoin. Il est livré et reçoit une documentation en anglais (fabricant allemand) et illustrée. Sur un accident de ce type, du point de vue juridique, il existe une responsabilité alors que le dirigeant pense avoir bien fait les choses en remplaçant une action pénible car manuelle auparavant par cette machine simple et efficace.

Alors doit-il être redevable d’une amende, voire plus… je ne le crois pas. Par contre l’inspection du travail doit faire corriger par le fabricant cet élément à risque.

 

Quels leviers peut-on activer pour toucher ces dirigeants et leurs équipes sur les sujets de SST en sortant du sujet « chiant et rébarbatif » tel qu’il est perçu ?

Cela reste une vraie question et une vraie difficulté tant il faut convaincre un à un les dirigeants et acteurs de ses entreprises.

La perception des sujets de sécurité ou de santé au travail va souvent de pair avec les réflexions sur l’impossibilité de travailler ou le changement inutile quand il ne s’est rien passé depuis plus de 10 ans… les expériences sécurité des salariés comme des dirigeants se font trop souvent à travers des formations catalogue et réglementaires décalées du réel.

La notion de sécurité est portée par le dirigeant et son approche / son positionnement sont primordiaux. Aussi, je suis convaincu que le message porté par les syndicats professionnels et les consultants en prévention des risques se doit d’être positif et simple. C’est en grande partie, à nous de modifier le contenu de nos discours pour le changer en levier de business.

Utiliser les NTIC lors des actions de sensibilisation / de formation peut aider à changer le point de vue. Si Kahoot commence à être largement connu, il existe de nombreux autres outils utilisables simplement.

Je suis preneur et favorable à un échange plus ouvert entre préventeurs qu’actuellement… alors n’hésitez pas !

@u plaisir de vous lire

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